LE BILAN [Chapitre XIV, Srebrenica: la déconstruction d’un génocide virtuel, par S. Karganovic et Lj. Simic (Belgrade, 2011)]

La question du «révisionnisme» ne se pose même pas dans le cas de Srebrenica. Depuis la fin de la guerre de Bosnie, il y a une décennie et demie, aucun aspect fondamental de la question n’a été clarifié. Tout reste donc ouvert. Un récit provisoirement acceptable de Srebrenica n’a pas encore été écrit. Ainsi, à ce stade, il n’y a littéralement rien à “réviser”.
La campagne agressive pour étiqueter de «révisionnisme» toute enquête autonome et pour intituler un massacre dû à la vengeance, qui certes fut  un crime de guerre, de «génocide», associant Srebrenica au véritable génocide de la Seconde Guerre mondiale, tout en dénonçant les efforts pour élargir notre point de vue factuel sur cela comme négation de l’Holocauste, est un jeu politique audacieux. Mais laissons de côté la politique. Sur le plan du libre examen et du débat public, la volonté acharnée d’étouffer le débat à propos de Srebrenica est une menace dangereuse pour les valeurs de liberté. C’est une tentative pernicieuse d’enrégimenter l’opinion, manifestement préjudiciable au principe de libre expression publique. Son objectif est d’atteindre les mêmes Gleichschaltung, la réduction de la plupart des discours publics sur le sujet à un langage uniforme obligé, qui a déjà été imposé avec succès dans les domaines de la politique et des médias.

Nous ne demandons rien d’intrinsèquement déraisonnable ou que quelqu’un qui est convaincu que les faits sont de son côté ait besoin d’avoir peur. Il s’agit tout simplement d’abord de rassembler toutes les preuves, avant de tirer des conclusions définitives, et ensuite de faire un effort intellectuel soutenu pour s’assurer que lesdites conclusions sont compatibles avec les preuves.

Pourquoi est-ce si difficile et – pour certains – cela engendre-t-il même de  l’aversion ?
Dans ce volume, nous avons publié pour la première fois deux importantes nouvelles sources : l’ensemble des rapports d’autopsie préparés par des équipes médico-légales du procureur du TPIY de 1996 à 2001, et les déclarations de résidents de Srebrenica, la plupart d’entre eux survivants de la 28e division, qui avaient, au final, atteint le territoire détenu par les musulmans après la reprise de l’enclave serbe du 11 juillet 1995.
Les deux sources éclairent Srebrenica de manière fondamentalement nouvelle.
Les rapports d’autopsie sont importants car ils incluent tous les charniers de Srebrenica exhumés par les experts médico-légaux du TPIY et ils nous disent deux choses importantes. Tout d’abord, qu’ils comportent moins de 2000 [soit environ 1920] individus. Deuxièmement, l’analyse révèle au moins deux causes principales de décès : l’exécution et le combat. Donc, la conclusion empirique fondée sur cette preuve est qu’il y a moins de 2.000 mortalités vérifiées liées à Srebrenica, à partir d’au moins deux causes différentes, l’une constituant un crime de guerre et l’autre non. Cette conclusion à elle seule bat en brèche l’idée fausse la plus populaire, à savoir le récit institutionnalisé sur Srebrenica qui affirme de façon simpliste qu’environ 8000 prisonniers ont été alignés et exécutés.

Les rapports d’autopsie des exhumations effectuées après que les équipes médico-légales du TPIY ont cessé leurs activités en 2001 n’ont pas été ignorés, ils ne sont simplement pas disponibles. A partir de là, le point sur ​​les exhumations est mené par l’Institut bosniaque pour les personnes disparues dont le siège est à Sarajevo [1] . L’Institut maintient une forte médiatisation, en particulier chaque année à l’approche du 11 juillet, date anniversaire de Srebrenica. Cet institut annonce en fanfare  la découverte de nouveaux charniers. Les reliques sont en général présentées au public comme des victimes d’exécutions et sont enterrées solennellement chaque année au Centre commémoratif de Potocari. Ce qui est curieux à propos de ces résultats d’exhumation – des milliers, à ce qu’ils prétendent -, c’est qu’ils n’ont jamais été apportés comme preuve dans un procès lié à Srebrenica devant le TPIY à La Haye. Est-ce l’indication d’un manque de confiance en leur qualité professionnelle et le scepticisme sur leur aptitude à résister à un examen professionnel, même dans des conditions pourtant défavorables à la défense comme celles qui prévalent au TPIY?  Ce n’est pas une hypothèse déraisonnable du tout, en considérant que l’Institut dépend du gouvernement basé à Sarajevo, et est essentiellement chargé de promouvoir son agenda.

Pour récapituler : les équipes médico-légales du TPIY ont couvert toutes les tombes connues et objets de soupçon d’exécutions de masse  liées à Srebrenica pendant la période de leur activité, de 1996 à 2001. La qualité de leurs rapports d’autopsie est inégale et à bien des égards très discutable, comme nous l’avons démontré. Mais au moins ils ont été utilisés au niveau de la cour, où il y avait une possibilité de les examiner de façon critique dans une procédure contradictoire, et ils sont disponibles. Rien de tout cela ne s’applique à l’exhumation des matériaux générés par l’Institut bosniaque des personnes disparues. Quant aux opportunités de vérifier leurs griefs, elles ont été jugées insuffisantes. Un exemple en est les exhumations de Kaldrmica, que la désinformation a récemment présentée comme lieu de sépulture de victimes d’exécution de Srebrenica, mais qui s’est révélée être en fait l’un des endroits où les combats légitimes ont eu lieu entre la colonne de la 28e division battant en retraite et les forces serbes en juillet 1995.[2]
Les déclarations de survivants sont un ajout des plus importants au dossier de Srebrenica, que tous ceux qui sont à la recherche de preuves de première main apprécieront. Ces déclarations se réfèrent à un combat féroce et à des pertes énormes qui en ont découlé, mais sans rapport avec les exécutions. La première question à poser aux promoteurs du « génocide de Srebrenica » est la suivante : pourquoi n’avons-nous pas été informés avant de ce combat et des pertes qui en ont résulté ? La seconde serait : quelles mesures ont été prises pour marquer la différence entre ces victimes liées « juridiquement » [3] au combat, et les victimes authentiques d’exécution et pour s’assurer qu’elles ne sont pas confondues, même si le total cumulé est encore loin derrière le chiffre mythique de 8000? Dans tous les cas, cela ne reflète pas vraiment la bonne foi de la part de ceux qui nous disent l’histoire officielle de Srebrenica, ce n’est pas davantage  une démonstration de leur engagement d’esprit ouvert à la vérité, où que les faits puissent conduire.

Combien d’habitants de l’enclave de Srebrenica ont perdu la vie en juillet 1995, en tenant compte de ces deux catégories de pertes : les victimes d’exécution d’une part, les pertes au combat lors du retrait de la colonne de la 28e division d’autre part ?
Afin de répondre à cette question, deux paramètres clés doivent être comparés : (1) la population de l’enclave en juillet 1995, avant l’attaque serbe, et (2) le nombre de résidents de Srebrenica recensés sur le territoire sous contrôle musulman, peu après.
Pour les deux paramètres, heureusement, il existe des données de fiabilité satisfaisante.
Population de l’enclave en Juillet 1995. Il existe plusieurs sources au sujet de la population probable de l’enclave de Srebrenica avant sa chute le 11 juillet 1995.
1. Lors du débriefing du bataillon néerlandais, qui était à l’intérieur de l’enclave, au moment de l’attaque, on trouve les informations suivantes:

Début juillet, la population de l’enclave s’élève à environ 40 000 personnes, dont la majorité (80%) se compose de réfugiés. [4]

Ce rapport sur ​​la population est important car il provient d’une source compétente qui était sur place lorsque l’estimation a été faite et qui est neutre par rapport aux controverses des parties en lice.

  1. Une autre évaluation dela populationa été faite parun officier dela Mission d’observationdes Nations Uniesà Srebrenica.Dansson rapport officielaux commandementssupérieursà Zagreb et àSarajevole 26 juillet 1995, le MajorPHDWrightestime à 4000 les forces armées de Bosnie-Herzégovinedans l’enclave. Il explique quelors de l’estimationdu nombre d’hommes en âge militaire, laprocédure habituelle consiste àprendre 10% de la population totale.[5] La perception du Major Wright rejoint donc celle des autorités militaires hollandaises, et 40000 semble être une estimation juste du nombre de résidents de l’enclave.
    3. Dans sa dépêche du 15 juillet 1995, intitulée “La situation à Tuzla et à Srebrenica», le représentant spécial de l’ONU Yakushi Akashi dit que « le chiffre de base de 42.500 habitants de Srebrenica a été décrété en 1993 et est resté non confirmé[6] .” Si le chiffre de 42 500 habitants était valide en 1993, comme il n’y a pas eu de flux de population, depuis lors, entre 1993 et juillet 1995 le total ne peut avoir que diminué, en aucun cas augmenté. Alors, quand on tient compte de la période où ce chiffre un peu supérieur a vu le jour et des facteurs qui pourraient avoir eu une influence depuis lors, en juillet 1995, la population a probablement été proche de l’estimation de 40 000.
    4. Nous avons encore une estimation de la population de l’enclave de Srebrenica faite par la Chambre dans le jugement en appel dans le cas du général Radislav Krstic. Au paragraphe 15, nous trouvons :

La taille de la population musulmane bosniaque de Srebrenica avant la victoire des forces de la VRS en 1995 s’élevait à environ 40 000 personnes.

Au paragraphe 37 une vue similaire sur cette question est réitérée :

Ils ont ciblé l’extinction des 40 000 bosniaques musulmans vivant à
Srebrenica, un groupe qui était représentatif des Musulmans de Bosnie en général.

La position du Procureur suit les mêmes paramètres démographiques. Dans le jugement de première instance dans l’affaire Krstić, la chambre cite l’opinion du procureur du TPIY : pour lui, la population de Srebrenica…
… s’élève au total à environ entre 38.000 et 42.000 avant la chute[7]  .

Les partisans de la version officielle de Srebrenica se trouvent dans l’extraordinaire difficulté de contester l’estimation de la population faite par la chambre qui a conclu à la culpabilité du général Krstic parce que, au premier plan des attendus de ce jugement, leur thèse favorite reste que ce qui s’est passé à Srebrenica était un génocide. Pour discuter de manière crédible si un génocide  est survenu ou non, des preuves matérielles de cette nature sont d’une importance primordiale. Si la chambre a commis une erreur à l’égard de l’importance numérique de la population à laquelle se réfère le génocide, comment pouvons-nous accorder crédit à ses autres conclusions comme, par exemple, le fait que le génocide s’est produit en premier lieu?
Nous pouvons maintenant résumer ces données qui proviennent de plusieurs sources différentes. En juillet 1995, il y avait environ 40 000 personnes dans l’enclave de Srebrenica ; ce n’est pas une donnée de recensement officiel, mais cela reste la meilleure estimation d’observateurs compétents et neutres, ou encore d’une institution chargée professionnellement d’évaluer la situation démographique. La crédibilité de ce chiffre est renforcée par le fait que c’est le point de convergence numérique de plusieurs estimations indépendantes.

Combien d’habitants de Srebrenica ne sont pas morts? La question clé suivante est: Combien d’habitants de Srebrenica ont survécu après la prise de l’enclave par les forces serbes le 11 juillet 1995 ? La différence entre la population au début et celle de ceux qui ont survécu après les pertes survenues va nous donner une indication fiable sur le nombre de ceux qui ont péri.
1. Le rapport du Commandement des Nations unies pour le secteur Nord-Est, la base aérienne de Tuzla, au commandant de secteur, le 4 août 1995, présente les informations suivantes :

Objet: Mise à jour situation des personnes déplacées de Srebrenica
Le nombre total de END AOR: 35.632 (environ)
Logés dans un logement privé: 17.383
Installés dans des centres collectifs: 9,749
Tuzla base aérienne: 6,500 [8]

La répartition du chiffre total en catégories d’hébergement améliore l’impression que le total est authentique, et n’est pas une approximation grossière.
2. Ce chiffre est accepté par les autorités néerlandaises militaires dans leur “débriefing” sur Srebrenica :

Il apparaît à partir de sources de l’ONU que 35 632 réfugiés ont atteint Tuzla le 4 août 1995 .[9]

3. Dans l’intention évidente d’aider le Tribunal de La Haye à clarifier les événements de Srebrenica, le 20 octobre 1995, le ministre de la Défense néerlandais JJC Voorhoeve, a envoyé au procureur du TPIY, Richard Goldstone, la communication officielle suivante.

Par la présente je vous adresse un document reçu au cours du débriefing du bataillon néerlandais sur l’enregistrement d’environ 35 632 réfugiés originaires de Srebrenica. Si ce chiffre est correct – ce qui n’est pas sûr – il peut aider à déterminer le nombre d’hommes disparus et exécutés de Srebrenica. Par conséquent, je pense que le document pourrait présenter un intérêt pour vous. [10]

La lettre du ministre néerlandais de la défense présente un intérêt pour au moins trois raisons. D’abord, elle indique qu’une autorité plus compétente accepte comme un fait avéré que, après l’attaque serbe sur Srebrenica, 35 500 personnes ont été mises en sécurité hors de l’enclave. Deuxièmement, le ministre souligne très logiquement que le chiffre qu’il cite – s’il est correct – pourrait être pertinent pour la détermination du nombre de personnes qui ont péri à la suite de l’opération de Srebrenica. Ainsi, la nécessité de la spéculation (à condition que nous disposions de données démographiques antérieures, bien sûr) est fortement diminuée. Enfin, nous apprenons aussi de cette correspondance que le Bureau du Procureur du TPIY a été informé par une source très officielle que les données sur le nombre de survivants de Srebrenica étaient disponibles.

Le TPIY travaillait-il de bonne foi? Lorsque toutes ces données qui sont facilement accessibles et disponibles dans la base de données du TPIY sont combinées, la question posée n’est pas celle d’une erreur mathématique, mais de quelque chose de plus grave : c’est la question de la bonne foi, bona fide. Dans ce cas particulier, où la portée quantitative d’un génocide présumé est en cours de définition, les erreurs mathématiques peuvent avoir des répercussions extraordinaires sur les plans juridique et moral.
Si nous prenons comme point de départ l’estimation la plus basse du procureur du TPIY, selon lequel la population de Srebrenica en juillet 1995 a été de 38 000  [11], cela nous laisse un écart de 2 368 personnes qui pourraient avoir été victimes dans l’opération. Si nous basons nos calculs sur l’estimation la plus élevée, de 42 000, nous obtenons une différence de 6368 victimes potentielles. Et cela ne nous permet même pas de répondre à la question de savoir combien ont été exécutés, puisque certains ont été sommairement exécutés, et d’autres ont été tués au combat. Mais c’est au moins la fixation d’une limite supérieure quant au nombre total de victimes. De toute évidence, dans les deux scénarios, 8000 personnes exécutées, c’est tout simplement impossible.

Il faut reconnaître que le Procureur – comme la défense – est une partie intéressée dans la procédure et il est libre de faire ce qu’il souhaite. L’organe neutre chargé d’évaluer de façon impartiale les arguments et les faits est la chambre. Comme nous l’avons vu, la chambre a constaté que lorsque l’opération de Srebrenica a commencé début juillet 1995, environ 40 000 personnes vivaient à Srebrenica [12]. Nous avons vu aussi à propos du 4 août 1995, que 35 632 d’entre eux avaient atteint Tuzla avec succès, nous donnant une différence de 4368 personnes qui pourraient être mortes de causes diverses. Il faut noter également que le fait que le 4 août, tous les habitants de l’enclave, au moment de sa chute n’ont pas été à Tuzla ne signifie pas nécessairement qu’ils sont morts; cela signifie seulement qu’ils ne sont pas à Tuzla. Cependant, tous ceux qui ont été enregistrés comme étant originaires de Srebrenica et qui étaient à Tuzla ne pouvaient pas avoir été victimes de génocide.
Alors, comment la chambre de première instance, dans l’affaire Krstic, a-t-elle été en mesure de tirer la conclusion suivante ?
La Chambre de première instance a conclu que la quasi-totalité des personnes assassinées sur les sites d’exécution ont été des adultes hommes musulmans de Bosnie et que… jusqu’à 7000-8000 hommes ont été exécutés. [13]

Comme nous l’avons vu, une telle conclusion est mise à mal par les faits, non seulement parce qu’elle est en contradiction avec les statistiques pertinentes, mais aussi parce que le nombre de corps exhumés, qui pourrait être lié d’une quelconque façon à des événements dans et autour de Srebrenica en juillet 1995 est de moins de 2.000. Ce n’est même pas proche du chiffre qui doit encore être prouvé pour que la conclusion de la chambre soit crédible. Mais la trouvaille de la chambre n’est pas crédible pour une autre raison. Elle est mathématiquement impossible, car elle diverge énormément par rapport aux chiffres démographiques pour l’enclave, au début de la période,  et au nombre de survivants enregistrés à la fin de la période concernée.
Il y a une autre question très importante. Quel est le fondement factuel de la conclusion suivante tirée par la chambre ?
Les résultats des enquêtes médico-légales indiquent que la majorité des corps exhumés n’ont pas été tués au combat, ils ont été tués dans des exécutions de masse. [14]

L’objectif de la Chambre est de produire l’impression que c’est seulement après avoir soigneusement pesé les preuves médico-légales qu’elle a tiré la conclusion selon laquelle un pourcentage élevé de personnes exhumées n’avait pas de lien pour faire partie du combat et que les quelques exceptions ne font que confirmer la règle. Cependant, l’analyse des résultats de l’interprétation légale réfute la chambre de façon persuasive et complètement.
La catégorie des «cas» exhumés qui sont liés à des blessures par balle, et qui pourraient donc être utilisés pour soutenir la thèse que ces personnes pourraient avoir été exécutées, s’élève à 655, soit 18% du total. C’est loin d’être «la plupart» des 3658 rapports d’autopsie[15]. Par ailleurs, 150 cas au sein de cette catégorie doivent être examinés séparément. Dans ces cas, il semble que la cause de la blessure a été très probablement non pas une balle d’arme conventionnelle, mais un projectile de gros calibre, tels que normalement aurait pu en tirer un Praga. [16]  Ce serait nous laisser 500 victimes potentielles d’exécution dans cette catégorie, mais là encore en rappelant qu’un schéma similaire de blessure est concevable aussi au combat.
Si nous admettons que l’ensemble des 500 ont été victimes d’exécution et que nous les ajoutons aux 442 avec des foulards et des ligatures, le maximum de victimes potentielles d’exécution de ce lot serait d’environ 950[17] . C’est 26% des 3658 cas du Tribunal , très loin de la prétendue «majorité» de ceux exhumés. Lorsque, aux 477 cas où les victimes étaient incontestablement tuées par des éclats, de mortier ou d’autres types de munitions d’artillerie, nous ajoutons les 150 répertoriées comme ayant été tuées par une “balle”, mais dont les blessures laissent raisonnablement penser qu’elles ont peut-être été tuées par un Praga ou tout type similaire de projectile, nous obtenons le chiffre significatif de 627 qui, tout à fait contrairement aux dires de la chambre du TPIY, très probablement ont péri au combat. Ceci est un autre fragment de preuve important, alors que les faits ne soutiennent pas les généralisations hâtives et insouciantes du Tribunal de La Haye.

Pour sûr, ces calculs sont macabres. Mais une telle analyse minutieuse de la preuve est rendue nécessaire par l’insistance impitoyable, les artifices statistiques et le refus d’accepter les conclusions corrélées par les faits, dont font montre les tenants de l’histoire institutionnalisée de Srebrenica. Comme nous en avons discuté précédemment, les exhumations du TPIYont commencé peu après les événements, en 1996, et ont continué jusqu’en 2001. Ils ont été menés par des spécialistes internationaux légistes sous les auspices du Procureur du TPIY. En comparaison au chiffre annoncé au début, de 8000 victimes du génocide, et qui sonnait un peu comme un quota minimal permettant de mesurer les performances des spécialistes légistes sur le terrain, les résultats réels des exhumations sont au final assez maigres. À la fin de ce processus, quand les équipes médico-légales du procureur du TPIY ont cessé leurs activités, tout ce qu’ils avaient à montrer de leurs travaux a été les 3568 rapports d’autopsie, trompeusement gonflés par l’ajout  de fragments de corps désarticulés portés au statut de «cas», qui ont ensuite été hypocritement présentés comme corps réels. Ce n’est clairement pas même la moitié du chiffre «cible». Sur la base des preuves internes de ces rapports d’autopsie, le nombre réel de personnes, environ 1920, morts de diverses causes, représente environ un quart de la «cible».
Un peu moins macabre, mais non moins trompeur, est ce qui passe pour une prétendue preuve d’ADN présentée à l’appui de la version officielle. Nous avons démontré que – dans la forme dans laquelle elle a été présentée jusqu’ici (affaire Popović ) – cette preuve n’a aucune valeur juridique : elle n’a pas été mise à la disposition de la défense sous forme vérifiable; ses résultats ne peuvent être acceptés sur la foi. L’accepter sans preuve ne serait pas sage non seulement pour des raisons de principe, mais plus spécifiquement parce que les résultats pertinents sont, comme nous l’avons vu, extrêmement faciles à falsifier. Une transparence totale dans la production et l’utilisation de ce type de preuve est donc impérative, si elle est destinée à avoir valeur de preuve.

Ce déni de justice, par les chambres du TPIY, [18] interdit à la défense toute possibilité raisonnable d’examiner cette preuve, fondée sur des motifs manifestement faux, [19]il est une violation grossière des principes fondamentaux du système accusatoire. Le recours à ces douteuses « preuves » dérivées de l’ADN, notamment lors de la formulation de poids des «conclusions» sur le génocide et le nombre présumé de victimes exécutées, ne peut être considéré que comme une parodie de la procédure judiciaire. [20]
Les erreurs de jugement évoquées ci-dessus sont beaucoup trop importantes pour être attribuées uniquement à l’insuffisance mathématique ou à la souplesse de procédure des chambres du TPIY. Il peut y avoir plusieurs explications au fait qu’une grande partie des chambres du TPIY a systématiquement ignoré le raisonnement à la fois mathématique et de leurs propres règles de procédure et de preuve[21]. La mauvaise foi, mala fide, est certainement l’une d’elles. Mais l’explication la plus fortement suggérée de la conduite irresponsable du TPIY, la voici : les chambres sont dans l’obligation de rendre des jugements implicites non  pas juridiquement corrects, mais politiquement corrects, c’est ce qui est attendu d’elles, comme George Pumphrey dirait, n’importe quoi.
Dans les spéculations sur les motivations, au moins, une chose est claire: les jugements du TPIY sont fondés sur le résultat et non pas sur les preuves. Cela devrait être assez pour soulever des doutes sur l’intégrité de l’ensemble de la  procédure.
Les usages de l’histoire institutionnalisée. Il y a plusieurs années, l’auteur et analyste politique Diana Johnstone a soulevé la question de l’«utilisation de Srebrenica» [22]. Comme elle l’explique dans son approche analytique, la question importante n’est pas: Qu’est-il arrivé? Mais : Quelles sont ses utilisations?

Parmi les nombreuses parties intéressées qui exploitent systématiquement la mine d’or politique qu’est Srebrenica, il y a un groupe particulier d’utilisateurs à classer à part : c’est l’élite politique qui façonne la pensée, la perception et la vision collective de la communauté musulmane en Bosnie Herzégovine. Pour ces utilisateurs, Srebrenica est inestimable, à l’instar d’un véhicule de mobilisation de masse et – peut-être tout aussi important – d’un dispositif pour réaliser la séparation permanente des masses musulmanes de la communauté serbe qui s’en distingue essentiellement par la religion. Avec la connotation venimeuse d’une tentative d’extirper des Balkans un minuscule îlot islamique, loin de son continent spirituel et civilisationnel et entouré par un océan d’hostilité, Srebrenica est le prétexte idéal pour entretenir dans leurs rangs un sentiment d’insécurité et pour cultiver une menace existentielle permanente. Les tenants de l’établissement d’auto-perpétuation politique à Sarajevo sont les maîtres habiles à convertir cette anxiété en abondant capital politique. Ils prétendent qu’ils sont les seuls capables de protéger leur communauté contre ces dangers mortels.
Srebrenica sert à l’établissement musulman de mécanisme idéal pour assurer que les membres de la communauté, déjà enrégimentés sans pitié, ne trouveront pas le courage de commencer à penser par eux-mêmes, conditionnés qu’ils sont à considérer que se tapit devant les portes non le voisin, le parent, mais l’ennemi brutal avide de leur destruction. Sous le prétexte de Srebrenica, la contre-révolution des beys[23], dont les préparatifs ont commencé dans les années 80, dès que le fait est devenu évident que les jours de l’ancien régime étaient comptés, s’est subrepticement consolidée alors que l’attention des masses était détournée, par le biais de faux slogans d’un retour à l’islam et de revitalisation de l’identité bosniaque.
Quelles que soient les utilisations additionnelles que Srebrenica peut avoir au niveau de la politique mondiale, localement, c’est un mécanisme d’homogénéisation de masse au sein de la communauté musulmane, comme toutes les élites ne peuvent qu’en rêver. Pour les dirigeants musulmans, la désacralisation du culte de Srebrenica est inconcevable. Sarajevo ne tolérera jamais une enquête honnête sur ce qui s’est passé à Srebrenica. Ce ne serait pas seulement un danger pour les leviers les plus efficaces qu’elle possède pour le contrôle de ses masses, mais aussi – selon la rigueur de l’enquête – cela pourrait compromettre catastrophiquement son pouvoir acquis sur la base de son comportement en temps de guerre.
Autant les dirigeants auto-proclamés et auto-imposés de la communauté musulmane de Srebrenica sont les principaux bénéficiaires locaux, autant la communauté musulmane de Bosnie-Herzégovine est le grand perdant.

Sacrifiée physiquement et avec un cynisme impitoyable à Srebrenica, la communauté musulmane continue à être sacrifiée une décennie et demie après la guerre, seulement maintenant c’est politiquement. Au lieu d’agir dans l’unité et l’entente avec ses voisins serbes et autres proches, ce qui est absolument la seule option qu’elle a de devenir un acteur important capable d’assurer ses intérêts vitaux dans les Balkans et en Europe, la communauté musulmane de Bosnie a abouti au pire règlement comparativement, de l’après-guerre bosniaque. Bien qu’ils soient une majorité relative en Bosnie-Herzégovine, ils sont parqués dans un ghetto territorial et politique. Dans ce ghetto, ils sont dans une situation de dépendance absolue où les habitants ou les étrangers – mais toujours d’autres – motivés exclusivement par leurs propres intérêts et des besoins géopolitiques, façonnent leur destin. Et, peut-être la chose la plus fatale de toutes, leur seul lien présent au monde extérieur, que n’aiment pourtant ni l’Orient ni l’Occident, c’est précisément la caste dirigeante égoïste, amorale, et infiniment stupide qui est née de leurs propres rangs.
Cette caste ne citera jamais en exemple au peuple musulman l’avertissement de Hannah Arendt, qui devrait être affiché en bonne place dans chaque foyer musulman juste à côté de l’image du site sacré de la Mecque:

Seule la folie pourrait dicter une politique qui confie sa protection à une puissance impériale lointaine, tout en s’aliénant la bienveillance de ses voisins. [24]

Si un exemple est nécessaire pour comprendre comment cette folie fonctionne dans la pratique, il suffit de considérer la déclaration suivante du Congrès américain, par la voix de Tom Lantos, grand ami supposé des musulmans des Balkans, qui il n’y a pas si longtemps a divulgué les raisons pragmatiques derrière le soutien de son gouvernement à ses clients des Balkans :
[Ce qui devrait servir] de rappel à la majorité musulmane dirigée par les gouvernements dans ce monde sur encore un autre exemple que les Etats-Unis ouvrent la voie à la création d’un pays à majorité musulmane au cœur de l’Europe. Cela devrait être noté par les deux dirigeants responsables des gouvernements islamiques, comme l’Indonésie, et aussi pour les djihadistes de toutes obédiences.

Ce simulacre de soutien, entièrement basé sur une perception calculée de l’intérêt géopolitique momentané, peut être retiré à tout moment si les conditions globales qui y ont donné lieu changent radicalement. Les médias du monde entier, mobilisés pour maintenir le mythe d’un génocide qui n’a pas eu lieu, peuvent être appelés à cesser également, à tout moment où l’évaluation révisée de la situation dicte que les avantages du mythe ne sont plus d’aucune utilité. Il va sans dire que sans une telle propagande mondiale de la logistique, une machine sur laquelle les musulmans bosniaques, bien sûr n’ont pas d’influence ou de contrôle, et qui dans l’arène internationale apparaît soutenir leur cause en raison d’un chevauchement temporaire des intérêts stratégiques, l’histoire de Srebrenica n’aurait pas pris son envol. Personne n’aurait accordé la moindre attention à la douleur des mères musulmanes de Srebrenica, tout comme personne n’en a accordé à la douleur des mères de Serbie. Ou des mères irakiennes ou afghanes, pour ce même cas.
La version bidon de Srebrenica, dont le noyau est un crime odieux qui n’a pas eu lieu, que les Serbes n’ont pas commis et dont ils n’accepteront jamais la responsabilité collective, a été inventée pour servir volontairement d’obstacle permanent et infranchissable à l’unité des deux communautés religieuses, composantes d’un même peuple. C’est l’une des utilisations, comme le dit Diana Johnstone, du culte de Srebrenica. Le vrai Srebrenica, cette partie de la version officielle qui correspond à la réalité, ainsi que la partie supprimée de cette histoire qui a à voir avec la destruction massive de la communauté serbe de Srebrenica durant la même période de guerre, sert également de recours légitime, mais dans le sens diamétralement opposé. Les souffrances partagées rapprochent les gens et approfondissent leur solidarité. Une perspective commune sur la catastrophe qui s’est produite entre 1992 et 1995 comme une responsabilité partagée et mutuelle, au lieu d’une vision partiale et unilatérale serait pour les gens de Srebrenica la garantie que plus jamais ils ne permettront à quiconque de les inciter à ce que le malheur soit répété . Pour les utilisateurs (peut-être serait-il mieux de les appeler les bénéficiaires) de Srebrenica, l’encouragement d’une telle perspective serait une catastrophe et ils ne ménageront aucun effort pour le contrecarrer. Nous devons lutter de façon encore plus persistante pour permettre l’émergence d’une telle «catastrophe» dès que possible.
Une décennie et demie après la fin de la guerre, Srebrenica continue d’être une énigme qui provoque d’innombrables questions auxquelles nous avons encore quelques réponses honnêtes. La seule déclaration à ce sujet à laquelle nous pouvons faire confiance, c’est que ce mythe toxique est à mettre au ban de la vérité. Nous devons investir tous les efforts pour utiliser la vérité pour le neutraliser et le remplacer par un compte rendu des événements qui, au moins dans ses traits fondamentaux, soit en corrélation avec la réalité. C’est la meilleure façon d’aider les gens de Srebrenica à atteindre l’objectif qu’à ce moment précis nombre d’entre eux ne sont pas en mesure de reconnaître comme essentiel, mais sans lequel ils n’ont pas d’avenir : une paix durable, avec eux-mêmes et avec leurs voisins .

Stephen Karganovic

[1] Institut za nestala lica BiH. Institut pour les personnes disparues de Bosnie-Herzégovine

[2] Pour plus de details, cf. chapitre VII, “Analysis of Moslem column losses.” (Analyse des pertes de la colonne Musulmane)

[3] Il ne s’agit pas de terminologie “révisionniste” mais de celle de Richard Butler, expert militaire auprès du procureur du TPIY pour les procès liés à Srebrenica.

[4] Rapport base sur le Debriefing on Srebrenica [Assen], 2.33., 4 October 1995., EDS: 00349926.

[5] Postscript Srebrenica, 26 July 1995, пар. 8. EDS архивска ознака R0050422

[6] Câble d’Akashi. 15 juillet 1995: Situation in Tuzla and Srebrenica, пар. 5. EDS: 1D19-1603.

[7] Prosecutor v. Krstić, trial judgment, par. 592.

[8] EDS: 00412059.

[9] Rapport basé sur Debriefing on Srebrenica [Assen], 5.38., 4. October 1995., EDS: 00349976.

[10] EDS: 00412058 & 3D39-0410. NB : le document présente un timbre prouvant sa réception le 24 octobre 1995.

[11] Prosecutor v. Krstić, trial judgment, par. 592, 593.

[12] Conclusion in Krstić, par. 15 and 37.

[13] Prosecutor v. Krstić, trial judgment, par. 487.

[14] Prosecutor v. Krstić, trial judgment, par.75.

[15] cf. chapitre VI,  – un cas n’égale pas un corps, contrairement aux assertions du TPIY pour qui chaque rapport d’autopsie compte pour un corps.  Il faut assumer les conséquences mathématiques de l’application des prémisses.

[16] Chapitre V, „Analysis of Srebrenica forensic reports prepared by ICTY.“

[17] Les chiffres auxquels nous parvenons sont très proches de l’estimation de prisonniers exécutés (environ 700) proposée par Phillip Corwin,  UN civilian representative in Bosnia and Herzegovina, juillet 1995. “Foreword,“ Report of the Srebrenica Group,  http://www.srebrenica-report.com/foreword.htm. Corwin a réitéré son chiffre dans son interview à Junge Welt le 31 juillet 2008. („Srebrenica ist Teil einer größeren Tragödie“, Cathrin Schütz)

[18] procès Popović  & plus récemment Karadžić.

[19] i.e. “victim privacy.”

[20] Les chambres du TPIY ont l’habitude d’opérer à l’abri de toute critique (Popović et al. ) : il est suggéré sur “preuves AND” 5,336  victimes d’exécution de Srebrenica identifiées et un grand nombre attendu dans un futur proche. Or si l’identification par l’ADN est possible, cette technique ne permet toutefois pas d’établir les causes et la date de la mort.

[21] TPIY Règle de Procédure et preuves 66, (B) et (C). Règle 66 (B) : examen de la défense, sur
demande, de tous les documents ” nécessaires à la préparation de la défense, ou qui sont destinés par le Procureur comme preuves au procès. “Règle 66 (C) : lorsqu’une telle communication est réputée préjudiciable ou contraire à certain intérêt légitime le Procureur la fournit à la chambre.

[22]Diana Johnstone,

“Srebrenica Revisited,” Counterpunch, 12.10.2005: http://www.counterpunch.org/johnstone10122005.html Usages énumérés: fournir des justifications “préventives” des agressions, instrument de chantage politique sans fin de la Serbie et réduction de son leadership pour compléter la servilité, le mythe qui aurait définitivement empoisonné les relations entre les deux principales communautés en Bosnie et rendre la présence d’étrangers «arbitres» indispensable.

[23] The select wealthy, landowning families from whose ranks the leadership of Bosnia’s Islamicised community has traditionally been drawn. Their surnames, e.g. Izetbegović and Saćirbey [Bosnia’s wartime UN representative] speak eloquently enough.

[24] Hannah Arend:, “Zionism Reconsidered”,  Menorah Journal, vol. 23, no. 2 (Oct-Dec 1945)

[25] Huffington Post, 20 avril 2007. Permettez-moi de soulever quelques points, monsieur le secrétaire. Le premier : juste un rappel aux gouvernements majoritairement musulmans dans ce monde qu’il est ici encore un autre exemple que les Etats-Unis ouvrent la voie à la création d’un pays à majorité musulmane dans le cœur de l’Europe. Cela devrait être noté par les deux dirigeants responsables des gouvernements islamiques, comme l’Indonésie, et aussi pour les djihadistes de toutes obédiences. Les “principes US sont universels, et dans ce cas, les Etats-Unis sont pour la création d’un pays majoritairement musulman au cœur de l’Europe.” Lantos avait spécifiquement à l’esprit lors de ce discours, le narco-mini-Etat du Kosovo, qui venait d’être proclamé unilatéralement avec les encouragements de ses sponsors occidentaux, dont le soutien était destiné à envoyer un message à l’équilibre du monde islamique. Mais, mutatis mutandis, le message de “soutien” a été signifié pour les Musulmans bosniaques ainsi. Une question très pertinente et les préoccupations liées à la mise en œuvre de ces «valeurs universelles» en Irak et en Afghanistan, où au cours de la dernière décennie plusieurs centaines de milliers de musulmans, un Srebrenica par semaine, ont été abattus dans les guerres néo-colonialistes. Ce sont juste certaines des choses désagréables dans le «soutien» pour les musulmans des Balkans conçu pour des raisons peu claires.

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